Sous sa peau

Dans le livre, il y a, page 13 : " si tu fermes les yeux, alors le noir autour ce sera de la peau, rien que de la peau.
Et rouge. Tirant vers le noir. Et peut-être salie. Abimée. Déjà rongée."

Elle est floue bien souvent.
Elle a dit que sous la peau vivent des monstres, mais c'est ridicule, ça ne veut rien dire.
Je n'y comprends pas grand chose.
Mais je n'éteins plus la lumière le soir ...
Impossible. Iréel.

Trois bougies, parfois une clope, les tonnes de bouquins que je ne lirai sûrement pas parce que la vie, parce que c'est impossible, et son livre dans les mains.
Chaque soir, j'écoute le vent dans les branches des framboisiers, les tilleuls rapés par les rafales, les bourrasques.

Elle a dit un jour que j'étais trop près de la mer.
Que je ne pensais qu'à ça.
Qu'elle en a peur depuis ...
Je n'y comprends pas grand chose.

Elle écrit.
Pas très prolifique mais elle écrit. Un livre en dix ans, c'est peu.
Mais suffisant.

Depuis qu'elle est dans le noir je veux dire, elle écrit.
Avant elle croquait, elle mordait.
La vie, les roses. Tout. Ce qu'on appelle vivre. Sans se soucier. A l'abri. Se moquer de. Et les regards des autres, rien à foutre. A la longue, ça en devenait agaçant.
Ce sourire indépassable et à jamais figé.
Cette mine réjouie.
Son teint. Et ses yeux qui allaient de droite à gauche quand elle lisait.
Quand elle n'y était pas. Dans l'obscurité. Sous la peau des paupières.

Elle écrit depuis qu'elle croit être une ombre, un sang fissuré.
Elle écrit mais c'est son sourire qui me manque.
Je n'y comprends pas grand chose.

Hier, le vent s'est calmé.
En refermant son livre, j'ai répété comme un con la dernière phrase : " tu peux fermer les yeux mais le monde sera le même. Il n'y aura que toi pour croire que les monstres ont trépassé."

Mai 2007 / Malidor.

Comments

[Malidor]

Merci messieurs !

[Nizorche]

enfin pour une première... ici sur ce blog.

[Nizorche]

ouah... pour une première...
J'ai beaucoup aimé. J'ai dû lire plusieurs fois, mais franchement, c'est poétique, mélancolique, oppressant...
J'aime beaucoup.
Merci.

[caleo]

C'est beau et poétique. Bon sang, je suis incapable d'écrire comme ça !